Intelligence artificielle et environnement : enjeux et Green AI

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Quel est l’impact écologique réel de l’IA ? Énergie, eau, données : cet article fait un point complet sur les enjeux et les pistes vers une IA plus sobre.

L’intelligence artificielle fait désormais partie des grandes innovations technologiques de notre siècle. En effet, elle est partout : dans nos assistants vocaux, nos applications métiers, nos voitures, nos outils de création de contenu, transformant ainsi nos usages du quotidien.

Mais à mesure que son usage se généralise, il est à même de se demander quelles sont ses conséquences sur l’environnement. Énergie, eau, infrastructures… L’IA consomme des ressources massivement, dont mesure encore peu l’impact.

Dans cet article, nous analysons tout d’abord les effets concrets entre l’intelligence artificielle et l’environnement. Nous explorons ensuite une piste émergente pour tenter d’y répondre : la Green AI, ou comment concevoir des IA plus sobres et responsables.

Le tout avec un objectif clair : informer sans orienter, en donnant les clés de compréhension à chacun.

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Intelligence artificielle : on revoit les bases dans cet article

I) IA : brève définition et contexte de son essor

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L’Intelligence Artificielle (IA) est un regroupement de techniques permettant à une machine de simuler certaines fonctions cognitives humaines : l’apprentissage, le raisonnement, la perception ou la décision. Cela signifie qu’un système informatique peut analyser des données, en détecter des régularités et adapter son comportement sans être réécrit à chaque nouvelle étape.

L’IA ne se limite pas à la fiction : elle investit déjà de nombreux domaines : dans le service client (assistants virtuels permettant d’automatiser les réponses), l’industrie (l’IA optimise les logistiques et anticipe les pannes), la santé (elle aide par exemple à l’analyse d’imageries médicales). Dernièrement, les IA « génératives » (comme les modèles de traitement du langage ou de création d’images) ont largement diffusé son usage au grand public comme aux entreprises.

Cette montée en puissance pose aujourd’hui de nouveaux enjeux, notamment environnementaux. Car derrière chaque modèle performant se cachent des infrastructures matérielles conséquentes, des besoins en calcul importants et une consommation énergétique grandissante : ces aspects sont régulièrement invisibles pour l’utilisateur, mais sont le révélateur d’un nouveau défi pour marier innovation technologique et transition écologique.

Cloud : comment réduire son empreinte carbone

II) Intelligence artificielle et environnement : quels sont les impacts ?

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Estimation d’une analyse de cycle de vie d’un grand modèle d’IA Générative tel que Llama 3-405B (Meta)1 NB : Empreinte estimée pour un modèle de 405 Milliards de paramètres, utilisé 1 an à 1M de requêtes/jour (200 tokens).
Les émissions d’inférence croissent fortement avec l’usage.

Le développement de l’intelligence artificielle n’est pas sans coût. Si ses domaines d’application se diversifient, ses infrastructures et ses fonctionnements se heurtent à des questions majeures de consommation de ressources. Les effets de cette consommation sont variés en matière environnementale selon les niveaux d’énergie, d’eau, de matériaux ou de gestion de la chaleur, et varient en fonction des modèles utilisés (ou de leur fréquence d’usage) et des conditions d’hébergement des données.

1) Consommation énergétique

C’est dans l’utilisation de l’énergie que l’impact de l’IA apparaît très symbolique, et notamment au chapitre de l’entraînement du modèle. Les grands modèles de langage (LLM), par exemple, nécessiteront des milliers de cartes graphiques (GPU) fonctionnant simultanément des semaines ou des mois. En fonction de l’usage qui est fait au final du modèle, la question de l’énergie sort en effet en première ligne dans les préoccupations de chaque interaction, c’est bien le coût énergétique à l’usage (inférence).

Quelques chiffres pour illustrer la consommation énergétique de l’IA :

  • Une requête sur ChatGPT-3 consommait en moyenne 2,9 Wh, soit près de 10 fois plus qu’une recherche Google classique2.
  • L’entraînement du modèle GPT-3 aurait nécessité plus de 1 287 MWh, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 120 foyers européens.3
  • Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la consommation électrique liée à l’IA pourrait plus que doubler d’ici 2030, pour atteindre près de 945 TWh, soit l’équivalent de la consommation actuelle de pays comme le Japon ou l’Allemagne.

Cependant, on peut noter qu’une requête sur les modèles récents comme GPT‑4o consommerait en moyenne 0,3 Wh4
À titre de comparaison, une recherche Google classique consommerait environ 0,3 Wh5 (mais ce sont des données datant de 2009 donc susceptibles d’avoir évoluées depuis), ce qui signifie que l’écart s’est considérablement réduit. Cela montre des progrès notables en matière d’efficacité énergétique, tout en rappelant que la fréquence d’usage joue un rôle majeur dans l’empreinte globale.

2) Empreinte eau et refroidissement

Un effet moins reconnu, mais non moins important, est la consommation d’eau due à l’utilisation des data centers. Ces centres dans lesquels sont logés et utilisés les modèles d’IA, doivent être constamment refroidis pour éviter la surchauffe de leurs équipements.

Il y a deux sources principales qui expliquent cette consommation :

  1. D’une part l’eau qui sert à produire l’électricité, notamment dans les centrales thermiques.
  2. D’autre part, l’eau qui est utilisée pour le refroidissement direct des serveurs, via des systèmes de climatisation ou de refroidissement liquide.

Des projections récentes estiment qu’il faudrait 4 à 6 fois la consommation annuelle en eau du Danemark pour refroidir les infrastructures d’IA d’ici 20276. Ce facteur devient particulièrement préoccupant dans les zones déjà soumises à des tensions hydriques.

3) Ressources matérielles et fabrication des infrastructures

Enfin, la fabrication des équipements nécessaires à l’IA (serveurs, processeurs, cartes graphiques spécialisées) entraîne une extraction massive de ressources : terres rares, cuivre, silicium, cobalt… Ces matériaux proviennent souvent de zones à forts enjeux environnementaux et sociaux.

Cette pression s’accentue avec l’obsolescence rapide des composants : pour suivre la course à la performance, les centres de données renouvellent régulièrement leurs machines, avec à la clé des déchets électroniques difficiles à recycler.

Pour résumer

Les impacts environnementaux de l’IA ne se limitent pas à sa consommation électrique. Ils forment un écosystème de contraintes incluant l’eau, les matériaux et les infrastructures, souvent invisibles dans l’usage quotidien mais essentiels à intégrer dans l’évaluation globale.

III) L’IA peut-elle être une alliée de la transition écologique ?

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Tout savoir sur les sites éco-conçus

Malgré les préoccupations environnementales bien réelles qu’elle suscite, l’IA constitue un potentiel d’optimisation dans plusieurs secteurs en lien avec la transition écologique. Certains usages en cours et projets déjà disponibles montrent que, utilisée à bon escient, l’IA peut être un outil d’efficacité pour réduire certains impacts environnementaux. Il importe cependant de raison garder, sans qu’il faille occulter le fait que les performances de l’IA buttent sur le sens et sur l’éthique du sujet.

1) Des cas d’usage concrets au service de l’environnement

  • 1. Gestion intelligente de l’énergie
    L’IA peut aider à équilibrer la production et la consommation dans les réseaux électriques, notamment en intégrant des sources renouvelables (solaire, éolien) plus difficiles à prédire. Elle est aussi utilisée pour optimiser les cycles de charge dans les batteries ou anticiper les pics de consommation.
  • 2. Agriculture de précision
    Grâce à l’analyse de données météo, satellite ou terrain, l’IA permet d’optimiser l’irrigation, l’usage de fertilisants et la planification des récoltes. Résultat : moins de gaspillage, moins d’impact sur les sols, et une meilleure gestion de l’eau.
  • 3. Prévention des risques naturels
    Certaines IA sont capables d’analyser des données environnementales à grande échelle pour prédire des incendies, inondations, ou mouvements de terrain. Ces modèles peuvent alerter les autorités plus rapidement que les systèmes classiques.
  • 4. Optimisation de la logistique et des mobilités
    L’IA permet d’optimiser les itinéraires de transport, de réduire les kilomètres à vide dans la logistique, ou encore de piloter des systèmes de mobilité partagée de manière plus fluide.

2) Des bénéfices encore marginaux à l’échelle globale

Ces exemples illustrent le potentiel environnemental de l’IA, mais il convient de garder une lecture nuancée :

  • La généralisation de ces usages est parfois freinée par des contraintes techniques, économiques ou de gouvernance (accès aux données, interopérabilité, protection de la vie privée).
  • Ces solutions concernent souvent des projets localisés ou pilotes, avec des bénéfices mesurés dans des contextes bien définis.
  • Le bilan net (émissions évitées vs. émissions générées) reste rarement évalué de manière complète.
En résumé

L’IA peut soutenir la transition écologique, mais elle ne peut la porter à elle seule. La réduction de l’impact de l’Intelligence artificielle sur l’environnement dépend du cadre d’usage, de la qualité des données disponibles, et surtout de la volonté de ne pas privilégier la performance à tout prix.

IV) Green AI : une IA plus respectueuse de l’environnement ?

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L’expression Green AI désigne une façon de pratiquer l’intelligence artificielle qui vise à réduire son empreinte environnementale tout en gardant des performances fonctionnelles correctes. Démocratisé par des chercheurs comme Roy Schwartz7 ce concept est opposé à celui de Red AI, dans lequel la logique de la course aux performances pénalise souvent le bilan énergétique ou matériel. Tout l’enjeu de la Green AI serait alors de parvenir à trouver le bon équilibre entre utilité, efficacité, et sobriété, tout en parvenant à concilier intelligence artificielle et environnement dans des perspectives viables.

1) Principes de la Green AI

Une IA « plus verte » repose sur plusieurs leviers techniques et méthodologiques :

  • Réduction de la taille des modèles
    • Au lieu d’entraîner des modèles massifs, certaines approches misent sur :
    • Le pruning (élagage de réseaux neuronaux inutiles)
    • La distillation de modèles (extraction d’un modèle plus léger à partir d’un modèle complexe)
    • L’usage de modèles spécialisés sur des tâches précises, plutôt que généralistes
  • Mutualisation et optimisation des ressources
    • Réutilisation de modèles préentraînés (au lieu de réentraîner à chaque projet)
    • Exécution sur des infrastructures énergétiquement optimisées
    • Entraînement sur des périodes ciblées selon la disponibilité énergétique (ex. : énergies renouvelables)
  • Approches de low-power AI
    Développement de modèles conçus pour fonctionner sur des machines à faible consommation (edge computing, TinyML), souvent déployés sur des objets connectés.

2) Limites et défis actuels

Malgré ses promesses, la Green AI reste encore peu standardisée et rarement mesurée dans les projets industriels ou commerciaux. Plusieurs freins existent :

  • Manque de transparence : peu de modèles publient leur empreinte carbone, leur consommation énergétique ou leurs paramètres d’entraînement.
  • Absence de cadre légal ou normatif : les reporting environnementaux ne sont pas obligatoires pour les éditeurs d’IA.
  • Effet rebond : même si les modèles deviennent plus sobres, l’explosion des usages peut annuler les gains (plus de requêtes = plus de consommation globale).

De plus, une IA plus « verte » implique souvent des arbitrages entre performance, vitesse d’exécution et qualité des résultats, qui ne sont pas toujours acceptés par les utilisateurs ou les commanditaires de projets.

En résumé

La Green AI propose des outils et des stratégies pour rendre l’intelligence artificielle plus économe en ressources. Mais son efficacité réelle dépend d’une approche systémique qui intègre les questions d’impact dès la conception, et d’un engagement collectif des acteurs de l’écosystème IA.

V) Quels leviers pour concilier IA et sobriété ?

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Face aux enjeux croissants entre l’intelligence artificielle et l’environnement, plusieurs pistes concrètes émergent pour limiter son empreinte, sans bloquer l’innovation. Ces leviers concernent à la fois les pratiques techniques, la gouvernance et les politiques publiques. Aucun n’offre à lui seul une solution miracle, mais ensemble, ils esquissent un cadre plus responsable pour le développement de l’IA.

1) Mesurer pour agir : un enjeu de transparence

Avant toute réduction d’impact, il faut pouvoir le mesurer. Or, très peu de projets d’IA intègrent aujourd’hui des indicateurs environnementaux dans leur cycle de vie. Ce manque de transparence concerne :

  • La consommation énergétique réelle des modèles
  • L’empreinte carbone de l’entraînement et de l’usage
  • L’impact eau ou les ressources matérielles mobilisées

Des initiatives commencent à structurer ce champ :

  • Le Green Software Foundation (Microsoft, GitHub, Accenture…) pousse à la standardisation d’outils de mesure environnementale pour le logiciel.
  • Des baromètres comme celui de GreenIT.fr ou Razorfish x Publicis commencent à comparer les performances environnementales des IA génératives.
à noter

Ces outils sont souvent centrés sur la couche visible (le front), faute d’accès au back-end propriétaire des grandes IA.

2) Pratiques techniques : concevoir autrement

Les professionnels de la tech ont un rôle clé à jouer. Plusieurs bonnes pratiques émergent du côté du design, du développement et de l’infrastructure :

  • Optimiser les datasets (taille, qualité, diversité) pour éviter des entraînements excessifs
  • Préférer l’adaptation de modèles existants plutôt que l’entraînement from scratch
  • Utiliser des infrastructures moins carbonées (hébergeurs verts, cloud à base d’énergie renouvelable)
  • Intégrer la sobriété dès la conception UX/UI pour éviter les usages intensifs non essentiels

👉 Ces approches relèvent souvent de l’écoconception numérique, qui sera approfondie dans un prochain article de cette série.

3) Cadre réglementaire : vers des obligations de reporting ?

La question environnementale du numérique (et de l’IA) entre progressivement dans les débats politiques et législatifs :

  • En Europe, la directive CSRD sur le reporting extra-financier va progressivement imposer aux grandes entreprises de publier des données sur leur impact environnemental, y compris numérique.
  • Le RGESN (Référentiel général d’écoconception des services numériques) en France commence à structurer les attentes publiques sur ces sujets.

Des réflexions sont en cours pour intégrer des critères environnementaux dans la régulation des IA, en parallèle des questions éthiques et sécuritaires (ex. IA Act européen).

4) Collaborations transverses : sortir des silos

Enfin, concilier Intelligence artificielle et environnement suppose une collaboration entre équipes métiers, techniques et responsables RSE. L’impact environnemental ne peut plus être laissé à la seule responsabilité des développeurs ou des hébergeurs : il doit devenir une donnée projet à part entière, intégrée aux arbitrages dès le cadrage fonctionnel.

Retenir l’essentiel

Plusieurs leviers permettent de réduire l’empreinte de l’IA, à condition d’agir de manière concertée, mesurable et pragmatique. La sobriété n’est pas un frein à l’innovation, mais un cadre de responsabilité à construire collectivement.

Vous souhaitez en savoir plus sur le sujet ou nous faire part de vos projets digitaux ambitieux ? Contactez nos experts dès à présent.

  1. D’après Carbone 4 d’après Meta et études Carbone 4 (https://www.carbone4.com/ia-generative-du-changement-climatique) ↩︎
  2. D’après Electric Power Research Institute ↩︎
  3. Selon https://blog.acensi.fr/ ↩︎
  4. Selon Epoch AI et OpenAI ↩︎
  5. D’après RW Digital ↩︎
  6. Source : Making AI Less « Thirsty »: Uncovering and Addressing the Secret Water Footprint of AI Models. Pengfei Li, Jianyi Yang, Mohammad A. Islam, Shaolei Ren. ↩︎
  7. Allen Institute, 2019, ↩︎

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